Voilà déjà deux ans que mon conjoint et moi avons sautés sans filet dans un rêve, que certains considèreraient comme un peu fou : vivre, voyager et travailler à temps plein à bord de « Merci la vie », notre motorisé de 40 pieds. Nous avons maintenant 25,000 km au compteur et des arrêts dans plus d’une centaine de villes au Canada, aux É.-U. et au Mexique. Cette nouvelle façon de vivre m’a amené à renouer avec ce qui était vraiment important pour moi : faire plus avec moins, connecter et être plus près des gens, et surtout, apprendre à co-créer à partir de ce qui m’entoure. Accueillir ce que la route m’offre est maintenant la norme.

 

Être présente et réceptive à la route ne s’est pas fait par comme par enchantement! J’ai dû revoir complètement la façon dont je travaillais. Après des mois à nager à contre-courant, à réagir à tout et rien, à essayer de rester focus sur mes objectifs, à m’étourdir avec de nouvelles idées pour mon coaching, je me suis retrouvée avec les batteries complètement à plat. Souvent, je partais marcher le long de la plage ou à vélo à la recherche de réponses. Je cherchais trop la solution. Les sessions de yoga et de méditation m’apaisaient, mais cela n’était pas suffisant. Pourtant la route m’invitait à être réceptive et curieuse, mais il faut croire que je ne l’entendais pas.

Pas toujours évident d’accueillir pleinement ce qui était devant moi, surtout lorsque venait le moment d’harmoniser plaisir et travail. Comme si ma route me disait encore : « Christine, tu dois adapter et réajuster ta business en coaching & leadership. Les clients et les partenariats recherchés ne sont pas nécessairement ceux que tu avais planifiés… Tu dois lâcher prise sur ton plan original. »

Je me revois encore à essayer de fusionner mon champ de compétences en coaching et leadership avec ce qui émerge de ma route. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais et d’où je m’en allais. J’ai passé des semaines à repenser et à refaire mon site web. Même parvenir à exprimer l’essence de mon message était difficile. Ah, qu’il est facile de dire qu’il faut faire confiance sans voir le résultat… mais le mettre en pratique est autre chose!

Il y a deux semaines, la route a fait en sorte que je rencontre Leopoldo. Cette journée-là, nous sommes sur la route depuis les aurores en direction de la ville de Chihuahua au Mexique. La destination que j’avais planifiée était un campement protégé offrant quelques services. J’avais prévu y demeurer au moins 2-3 semaines. En approchant de notre point GPS, on découvre avec stupéfaction que le campement n’existe plus… depuis trois ans! À la place on trouve une station d’essence Pemex avec un stationnement pour les camionneurs. On décide d’arrêter pour réfléchir à un plan B. Pas très long pour moi de parcourir Google et divers forums spécialisés pour constater qu’il n’y a pas d’autres campements dans un proche rayon.

Avec la permission du Pemex, nous décidons de passer la nuit ici, parmi les camions, les « bikers », les marchands ambulants, les étrangers, les chiens errants et les itinérants. Après s’être stationné nous sortons Myco, notre chienne, pour lui dégourdir les pattes. C’est à ce moment que Leopoldo s’avance vers moi. C’est un mexicain d’une cinquantaine d’années, vêtu simplement, avec un chapeau de paille et un large sourire. Je lui raconte dans un espagnol assez simpliste que nous recherchons un campement pour la nuit pas trop loin. À ma grande surprise, il me répond en anglais. Je lui demande spontanément s’il connaît bien la région et s’il pourrait nous indiquer une alternative. Il me répond bien poliment par la négative. Je lui demande alors où il a appris à parler si bien l’anglais.

Il me raconte alors son histoire. Il a toujours été très facile pour lui de traverser une ou deux fois par année aux É.-U., où il y travaillait « illégalement ». Il passait le reste du temps avec sa famille dans le sud du Mexique. Leopoldo ne s’était jamais embarrassé des « formalités » liées à l’immigration. Un peu plus d’une semaine avant notre rencontre, tandis qu’il travaillait sur un chantier de construction en Californie, les « Border Patrols » ont fait une descente et l’ont arrêté. En moins de 48 heures, il fut déporté vers le Mexique. Il se retrouvait donc à Chihuahua, les mains vides, car la déportation s’est faite si rapidement qu’il n’a pas eu la chance de contacter des amis. Il n’était aucunement amer. Depuis, pour vivre, il cherche simplement à offrir ses services de gardien aux camionneurs, et aux gens de passage comme nous. Il souhaite amasser assez d’argent pour pouvoir se payer un billet d’autobus (environ 1500 pesos) afin de se rendre à Guadalajara pour retrouver le reste de sa famille. Il ne demande rien, si ce n’est que de pouvoir dormir en dessous de notre motorisé et de surveiller autour. Il m’explique qu’il dormira sur une petite planche de bois et sera aux aguets toute la nuit pour nous. Je regarde mon conjoint, mon cœur flanche. Nous acceptons.

Je commence l’installation pour la nuit et la préparation du souper. Nous offrons une assiette d’Osso Bucco avec un p’tit dessert à Leopoldo. Ah quel beau sourire! Il est heureux d’être là et de nous aider. Je vois qu’il a mis sa planche pour dormir tout juste en dessous de la porte d’entrée. Mon cœur soupire à l’idée que même ma chienne ne dort jamais dehors. Je cherche une couverture que j’offre à Leopoldo en lui disant qu’elle est à lui à présent, pour le tenir au chaud.

La journée a été longue et on décide de se coucher tôt. Je m’installe sur le banc à l’avant et je lis tout en regardant dehors ce qui se passe. Ca bouge beaucoup : la valse des camions, les chiens qui jappent, les bikers qui font la course… Et je vois Leopoldo au loin jaser avec un peu tout le monde au petit restaurant annexé au Pemex.Régulièrement je le vois aussi faire sa ronde autour de « Merci la vie », afin de s’assurer que tout est correct. Je décide d’aller dormir et indique à Myco qu’elle doit elle aussi monter la garde… Elle s’installe à ma place etprend très au sérieux son rôle. La nuit se passe bien. Au réveil, je sors Myco, et aperçois Leopoldo qui s’extirpe du dessous du motorisé et s’étire, comme si de rien n’était… moi qui ai dormi dans un lit super confortable et bien au chaud! Nous lui préparons un p’tit déjeuner gourmand avec un bon café. Je lui remets aussi 200 pesos (c.-à-d. l’équivalent de ce qu’on aurait payé pour une nuit dans un campement) afin de le remercier pour avoir été notre gardien d’une nuit. C’est quatre fois plus qu’il n’a l’habitude de recevoir. Il accepte donc avec gène en me disant que ce n’est pas nécessaire. Je lui réponds que cela m’attriste beaucoup qu’il en soit rendu à dormir sous des camions. Il me dit simplement que cela le rend heureux de rencontrer des gens comme nous sur son chemin… Il me regarde dans les yeux et me dit doucement; je fais à partir de ma route et cela suffit à me rendre heureux. J’avais les yeux pleins d’eau. Je lui ai donné un câlin et un bec sur la joue. Nous avons ensuite repris notre route… Vers la frontière du Mexique et des É.-U. entre El Paso et Juárez.

Leopoldo pourrait être frustré et aigri de voir ses plans ainsi valser en éclat, mais il choisit de faire avec ce qu’il a. Les gens qui croisent ma route sont inspirants, créatifs et ont la main sur le cœur. Tous m’ont amené à réfléchir et à repenser mon approche afin de faire plus avec moins.

Plutôt que de m’entêter à poursuivre dans une seule voie, la route m’invite à prendre conscience que j’avais désormais de nouveaux atouts. En cherchant à promouvoir mon business en coaching, j’ai développé une nouvelle expertise dans la création de sites web que j’ai perfectionnée en m’engageant sur de petits contrats. En complément à ma business de coaching, j’ai donc décidé d’offrir un nouveau service de création de sites que j’ai baptisé « Be On Web ». Je veux avoir du plaisir avec les personnes que je rencontre tout en les aidant à créer un site internet ou un blogue qui reflète leur véritable essence, afin qu’elles puissent partager leur message avec le reste du monde.

J’ai longtemps procrastiné à mettre sur pied et à offrir « Be On Web ». Mes saboteurs, mes suppositions et les petites voix dans ma tête m’ont freiné bien trop longtemps. La rencontre de Leopoldo et de plusieurs autres personnes qui ont croisé mon chemin a fait vibrer une corde bien sensible dans mon cœur qui m’indique que je dois aller vers ce que la route m’offre. « Une chance qu’on s’a » comme le dit si bien la belle chanson de Jean-Pierre Ferland. Je souhaite donc servir les gens qui m’entourent en leur offrant une passerelle inspirante pour diffuser leur message dans le monde. C’est ça « Be On Web »!